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Être sourd, un combat de tous les jours

La surdité entraîne des obstacles dans tous les domaines de la vie, obstacles dont souvent les personnes valides n’ont pas la moindre conscience. 

Premièrement, les soins de santé, auxquels tout citoyen devrait avoir accès, ne sont pas à la pointe de l’accessibilité en Belgique. La prise de rendez-vous à l'hôpital, chez un médecin spécialisé ou généraliste se fait majoritairement par téléphone (souvent fixe). Il faut donc faire appel à une personne tierce ou bénéficier de la flexibilité d’un professionnel de la santé. Il est "cocasse" de savoir que dans de nombreux hôpitaux belges des services pour les langues étrangères (service de médiation interculturel)  ont été mis en place alors qu’aucun numéro permettant d’envoyer des SMS pour la prise de rendez-vous n’a été établi pour les personnes sourdes. Nos interviewé.e.s proposent: “Pourquoi ne pas mettre en place un service d’accueil 24h/24 et j//7  (de type relais-signe)  central à tous les hôpitaux de Wallonie ? C’est le rêve de toutes les personnes sourdes !” Lors des gardes, tout se complique, car à nouveau les appels téléphoniques sont le moyen de prendre un rendez-vous. En cas d’urgence, aucun interprète ne peut vous dépanner aussi vite et qui sait peut-être au milieu de la nuit. Autre exemple saugrenu, les portes des urgences s’ouvrent la nuit à l’aide d’un parlophone. La Covid a fortement compliqué la situation des personnes sourdes et malentendantes, situation déjà critique: tout se fait actuellement par téléphone, même certaines consultations médicales. Les services d’urgence ont récemment montré leurs lacunes lors des fortes inondations de cet été 2021. Nombreuses personnes sourdes se sont retrouvées dans l’incapacité de joindre un service d’urgence car tout se faisait par téléphone. Aucun numéro n’a été mis en place pour qu’une situation de détresse puisse être déclarée par SMS. 
 
Dans la vie quotidienne, il est généralement commun et obligatoire de faire appel à un interprète pour se rendre à la commune, à la réunion de parents de son enfant, chez le notaire, à la banque ou simplement pour prendre rendez-vous chez le médecin. Faire appel à un interprète évite des quiproquos aux conséquences parfois désastreuses ou un déplacement inutile au vu d’un personnel non formé à ce type de handicap. Bien évidemment, certains fonctionnaires osent, écrivent, dessinent, autorisent l’utilisation de leur numéro privé pour l’envoi de SMS,...et facilitent le quotidien de ces personnes. Il n’existe aucun service d’interprétariat disponible 24h/24. Il faut réserver environ un mois à l’avance, ce qui rend cela impossible pour une réunion de parents qui se décident généralement une à deux semaines à l’avance. La problématique est la même lors d’un décès ou d’un accouchement, évènements dont la date est imprévisible. Il y a également une pénurie de la profession en Belgique, cela n’arrange rien. 
 
Dans le monde du travail, les personnes sourdes et malentendantes sont généralement en retrait. Lors des réunions, souvent décidées dans les quelques jours qui précèdent, un interprète n’a pas eu le temps d’être sollicité, et il est difficile pour ces employés de capter toutes les informations émises. Selon nos interviewé.e.s: “c’est à  l’employeur d’effectuer la démarche de contacter un service d'interprétariat, de vérifier leur disponibilité et d’en fonction fixer la date d’une réunion collective et inclusive”.
 
À l’école, rebelote ! Les sourds adultes ont majoritairement connu un système les poussant à s'adapter aux personnes entendantes et à se diriger vers l’oralisme. (Pour information, la Langue des Signes a été interdite en France jusqu’en 1977 et  a été reconnue officiellement en Belgique en 2003). Ces faiblesses du système éducatif mènent aujourd’hui à des lacunes chez certains de ces adultes notamment au niveau de la lecture. De plus, il faut compter un temps d’apprentissage additionnel. Même si un interprète accompagne l’étudiant en classe, celui-ci ne peut pas prendre note en même temps qu’il suit l’interprète. En rentrant chez lui, pas question de jouer, il lui faut retranscrire tout ce qu’il a mémorisé au risque d’avoir oublié certaines informations...Vient ensuite le rendez-vous avec la logopède !
 
Les personnes sourdes et malentendantes sont également exclues du débat politique. En effet, aucun débat pré-élections n’est traduit en Langue des Signes.  Ils manquent donc d’informations pour offrir leurs votes mais sont légalement obligés de voter. Cela mène à des questions démocratiques et éthiques complexes. Ils donnent par conséquent généralement leur voix en suivant l’avis de leur entourage proche.
 
Autre exemple saugrenu auquel nous ne pensons pas si nous sommes une personne entendante: en cas de contact avec la police, les mains peuvent être menottées. Dans le cas d’une personne sourde, elle est alors privée de son moyen de communication ce qui peut mener à une frustration énorme. Une loi devrait empêcher cette pratique dans ce cas précis. Le premier réflexe du policier est de contrôler la carte d’identité, il pourrait d’emblée contrôler la carte “handicap” donnée par l’Aviq mais ne précisant pas le type handicap, au grand dam du mouvement citoyen sourd se battant d'arrache-pied pour une carte spéciale surdité. 
 
Heureusement, il y a aussi du positif ! Les GSM sont une révolution. Ils permettent de communiquer par écrit et même actuellement de signer par appel vidéo. Il est aussi inspirant de regarder ce qui est fait ailleurs dans le monde: les avancements français et américains valent le détour. Pourquoi pas chez nous ?
 
Dans ce monde où tout est conçu pour les personnes valides, il est impossible d’être autonome lorsque l’on possède un handicap. La société nous met donc “en situation de” handicap. Chez Autonomia, nous nous battons pour une société plus inclusive et nous propageons l’information pour des citoyen.ne.s sensibilisé.e.s même à des causes qui ne les concernent pas.