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La Belgique, mauvaise élève de l’inclusion ?

Suite aux propos discriminatoires de Zemmour sur l’inclusion des enfants en situation de handicap dans le système éducatif, Autonomia a souhaité effectuer un état des lieux de l’inclusion éducative en Belgique.


Et il en ressort que la Belgique se classe parmi les mauvais élèves...
 
Entre enseignement ordinaire et infrastructures spécialisées, si la thématique du Handicap ne fait pas partie de votre quotidien, il est facile de s’y perdre, de ne pas avoir d’avis ou d’en avoir un sans posséder une vision globale des enjeux. De prime abord, il peut sembler évident pour certain.e.s personnes que les enfants en situation de handicap nécessitent un enseignement spécialisé avec des éducateurs.trices compétent.e.s pour faciliter leur parcours scolaire. Or, de nombreux témoignages attestent que l’école pour tous.tes, quand les moyens sont là, est source d’épanouissement et d’émancipation tant pour les élèves en situation de handicap que pour la classe dans son ensemble. En effet, les enfants habitués à la différence grandissent avec pour maître-mot, la tolérance.
 
Selon Bernard de Vos, Délégué Général aux Droits de l’Enfant, le système éducatif de la Fédération Wallonie-Bruxelles doit être questionné car l'enseignement spécialisé de cette entité géographique accueille chaque année un nombre croissant d’élèves, qui ne sont, d’ailleurs, pas toujours en situation de handicap. Il témoigne: “Notre enseignement spécialisé accueille des enfants sans handicap, ni mental, ni physique. Ils ont parfois simplement un retard culturel lié à leur milieu d’origine”. Cet enseignement suit alors, selon certain.e.s, une volonté de “relégation sociale” en y exilant les jeunes dys (dyslexiques, dyscalculiques, dyspraxiques,...) mais aussi des jeunes issus de l’immigration ou encore de famille à indice socio-économique faible.
 

En février 2021, une Belgique condamnée au niveau international.

 
Le Comité européen des Droits Sociaux, s’assurant du respect au niveau national de l’application de conventions internationales, a condamné, en février 2021, la Fédération Wallonie-Bruxelles pour son manque d’efforts consentis à l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap mental. Sur quel texte se base cette condamnation ? La Charte sociale européenne. Cette dernière, ratifiée par notre pays, place l’inclusion scolaire comme la règle et l’enseignement spécialisé comme l’exception. Or, dans la pratique, la Belgique favorise et légitimise l'enseignement spécialisé. Un argument souvent avancé est la volonté de maintenir le niveau des classes et de ne pas pénaliser les enfants dits valides. Et si cette pratique pénalisait plus d’élèves, valides et à besoins spécifiques, qu’on ne peut l’imaginer ? 

 

L’Italie, modèle à suivre ?

 
En Italie, l'enseignement spécialisé n’a plus sa place depuis les années 70 et l’inclusion y est, par conséquent, totale. Selon de nombreuses sources, l’intégration scolaire de ces enfants dès le plus jeune âge mène à une intégration future plus grande dans la société et le monde du travail en tant qu’adulte.
 

Être dans l’enseignement ordinaire et bénéficier d’une aide spécialisée, est-ce possible ?

 
Cette option devrait selon la loi en être réellement une grâce aux aménagements raisonnables et aux ITT, intégrations temporaires totales. Mais la réalité est bien plus complexe. Les aménagements raisonnables sont souvent refusés par les établissements: “Pas le temps et pas d’argent !”. Par raisonnables, la loi entend des aménagements qui nécessitent un coût et un temps “acceptable”. L’enfant dit à besoins spécifiques doit donc être à besoins spécifiques et justifiés !?
 
Les (ITT) intégrations temporaires totales étaient une autre option mais, en septembre 2021, elles ont été supprimées mettant ainsi tristement fin à un mécanisme permettant à ces élèves de bénéficier d’une aide sans pour autant quitter l’ordinaire. Les ITT, concrètement c’est quoi ? Elles permettaient suite à un accord entre une école spécialisée, une école ordinaire et un centre PMS, à un élève d’étudier dans l'enseignement ordinaire “tout en bénéficiant de l’accompagnement d’un membre du personnel détaché du spécialisé (enseignant, kiné ou logopède, selon les besoins), à raison de quatre heures par semaine en primaire et huit heures dans le secondaire.”(CLARA VAN REETH, 2021).
 
Malheureusement les aides à l’inclusion se heurtent donc à des contraintes budgétaires féroces. Pour une dose d’espoir et découvrir l’école Singelijn, à Woluwe Saint-Lambert, une école ouverte à tous.tes où les aménagements raisonnables sont offerts uniformément à tous.tes les élèves et où le co-enseignement est pratiqué, c’est par ici.
 

Inclusion totale, une utopie irréaliste et non souhaitée pour la Belgique ?


Selon certains parents, l’enseignement spécialisé est l’enseignement souhaité par leurs enfants et celui au travers duquel il.elle.s s’épanouissent et enrichissent leurs compétences le plus efficacement. Dans l’enseignement ordinaire, l’évaluation des enfants en situation de handicap (cotation) ne reflète malheureusement pas leur potentiel car les enseignant.e.s n'ont, souvent, pas reçu la formation qui leur aurait permis d'améliorer leurs compétences communicationnelles et professionnelles envers ces enfants et adolescent.e.s. (en réduisant par exemple leur débit oral, en augmentant le temps de réalisation alloué pour un travail…). De plus, nos écoles spécialisées ont une expérience reconnue et appréciée poussant ainsi certains de nos voisin.e.s français.e.s à rejoindre notre système scolaire spécialisé.

→ Pour disposer de l’annuaire des établissements spécialisés en Belgique, c’est par ici

À noter, l’enseignement spécialisé a été organisé, en Belgique,
en 8 catégories correspondant à 8 types de difficultés d’apprentissage différentes. Selon Inclusion Asbl, les huits types sont; 
  • type 1: handicap intellectuel léger,
  • type 2: handicap intellectuel modéré à sévère,
  • type 3: troubles du comportement,
  • type 4: handicap physique,
  • type 5: maladie ou convalescents,
  • type 6: handicap visuel,
  • type 7:  handicap auditif,
  • type 8: troubles instrumentaux. 
 
Malgré la qualité reconnue de nos écoles spécialisées belges, notre fondateur, Cléon Angelo, ne reste pas partisan de l’école spécialisée qui ne permettra pas à ces enfants d’en sortir une fois l’âge adulte atteint. Il se questionne: “Pourquoi ne pas suivre l’Europe et encourager la mutation de ces écoles spécialisées en service d’accompagnement dans l’école ordinaire ?”. Il faut selon lui sortir de ce paradigme: “Naître spécial.e, vivre spécial.e, aller à l’école spéciale, travailler dans des structures spéciales…et mourir spécial.e. Bref, une vie spéciale sans rien d’ordinaire”.
 

Et si le problème belge était l’absence de choix ?
Et si le problème belge était la peur de l’inclusion ?

 
L’enseignement spécialisé à tout prix et sans libre arbitre ? Telle est la question que notre article pose: Pourquoi ne pas laisser le choix aux personnes concernées au lieu de stigmatiser et d’enfermer ces enfants et adolescent.e.s dans des boîtes (type 1, 2, 4 ou 8 ?) desquelles ressortir, une fois arrivé.e.s dans le monde professionnel, sera un enfer ?! Notre article souligne un cruel manque de choix, faute d’écoles ordinaires accessibles et adaptées. 
 
Pourquoi l’inclusion fait tant peur ? Alors que nous avons tant à apprendre des autres ! L’école c’est aussi le savoir-être et le savoir vivre ensemble  ! 
 

Concluons en donnant la parole à une future actrice de demain ! 

 
Géraldine Hasselle, étudiante en Master en psychologie à l’UCL:
 
" Lors de certains cours en Bachelier, je me souviens avoir étudié les différents systèmes scolaires en Belgique et notamment les systèmes d’enseignements spécialisés organisés selon les “Types” de difficultés. Les professeurs expliquaient en quoi l’enseignement spécialisé présentait un avantage par rapport à l’enseignement ordinaire mais nous ne nous sommes jamais posé la question des inconvénients. Il semble vrai que ce système avance des qualités remarquables puisqu’il permet d’assurer un suivi particulier des jeunes. Généralement, j’ai le sentiment que les écoles spécialisées s’adaptent plus aux besoins de l’élève ainsi qu’à son rythme d’apprentissage. Elles mettent des stratégies en place pour surmonter les difficultés et, dans ce que j’ai eu l’occasion de voir en stage, les professeurs semblent rester à l’écoute du jeune et exercent avec bienveillance. Choses que tout enseignement devrait comporter, non ? Alors pourquoi de plus en plus de jeunes de l’enseignement ordinaire rapportent des plaintes concernant les colères du professeur de mathématique à chaque mauvaise réponse ou leur peur de lever le doigt pour poser une question? Je pense pouvoir dire que nous connaissons tous un enfant dans ce cas. Alors écoutons-les et tentons de repenser le système éducatif belge dans son ensemble ! Cependant, il est vrai que cela demande des moyens. Pour moi, il est impératif de former les enseignants / parascolaires à l’inclusion afin de préserver la qualité de l’enseignement spécialisé et de l’améliorer dans l’ordinaire. Sans cela, il serait très simple de tomber dans le piège du “c’est facile” et de perdre toutes ces avancées en matière d’éducation. Nous avons tout à y gagner.


Par Florence Defraire