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Vers des arrêts vraiment accessibles à Bruxelles

Une étude (2 487 arrêts analysés) révèle qu’une part importante des arrêts publics à Bruxelles reste inadaptée aux besoins des personnes en situation de handicap.


1. Contexte et enjeux

L’accès aux transports publics est un droit fondamental — inscrit, par exemple, dans l’Article 9 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.  Pourtant, l’aménagement des arrêts (bus, tram, prémetro) est souvent hérité d’époques où les besoins des usagers en situation de handicap n’étaient pas pris en compte. 

 

 

L’étude Public transport for all? Assessing the STIB-MIVB stops in Brussels, dirigée par Dobruszkes, Grandjean, Nihoul et Descamps, combine données quantitatives et retours qualitatifs (entretiens, parcours commentés) pour évaluer l’inclusivité des arrêts du réseau STIB à Bruxelles.  Elle se base sur 2 487 identifiants d’arrêts (surface + souterrain) du réseau STIB/MIVB. 

 


2. Méthode : contraintes de déplacement & critères d’inclusivité

Plutôt que de se concentrer uniquement sur le handicap « physique », les auteurs adoptent une approche centrée sur les contraintes de déplacement que peuvent subir divers usagers (physique, visuel, cognitif). 

 

a) Neuf contraintes retenues

Parmi les 17 contraintes initialement explorées, neuf sont retenues pour évaluation, notamment :

  • Conformité « disabled compliance » (accessibilité totale autonome)

  • Hard step-free (absence de marche entre véhicule et quai)

  • Soft step-free (écart acceptable)

  • Présence d’abri + sièges

  • Toilettes à proximité

  • Absence d’escaliers / escalators (accès via ascenseurs)

  • Pavés tactiles

  • Absence de complexité de la station

  • Arrêt de surface (éviter les stations souterraines complexes)

Chaque arrêt est noté selon la satisfaction de ces contraintes (vrai/faux) via données STIB, documents techniques et observations terrain (33 trajets réalisés avec utilisateurs). 

b) Acteurs multiples dans la création ou rénovation des arrêts

Les arrêts sont produits ou rénovés via de nombreux acteurs (STIB, Bruxelles Mobilité, communes, maîtres d’ouvrage, services voirie, etc.).  Les priorités d’intervention intègrent la fréquentation, la cohérence avec les lignes AccessiBus, la faisabilité technique, ou la coïncidence avec des travaux de voirie majeurs. 

 

Les directives de STIB ont évolué : les nouveaux standards recommandent désormais des quais de tram à 31 cm (avec comble-lacunes) et des quais de bus à 18 cm pour permettre l’usage de rampes. 

 

 


3. Résultats dévoilés & défis persistants

a) Niveau global de conformité

Voici quelques chiffres clés (sur les 2 487 arrêts)  :

Contrainte

Part des arrêts conformes

Conformité « disabled compliance »

~ 29,4 %

Hard step-free

~ 31,1 %

Soft step-free

~ 55,2 %

Abri + sièges

~ 65,3 %

Toilettes proches

~ 9,2 %

Absence d’escaliers / escalators

~ 99,4 %

Pavés tactiles

~ 34,3 %

Station non complexe

~ 99,6 %

Arrêts de surface

~ 97,2 %


Pour les stations souterraines, la contrainte « hard step-free » est nulle (aucune station ne la satisfait), et la « soft step-free » y est autour de 78,6 %. 

Ces résultats montrent que même si certaines contraintes « faibles » (absence d’escaliers, surface) sont presque massivement satisfaites, les contraintes liées à l’embarquement sans marche, aux écarts ou à des aménagements tactiles restent largement déficitaires.

 

b) Géographie de l’inclusivité

Il n’y a pas de schéma spatial clair (centre vs périphérie, communes riches vs défavorisées) : l’accessibilité varie selon les lignes de tram/bus rénovées ou construites récemment, et selon les corridors où des travaux urbains ont été mis à profit pour requalifier les arrêts. 

Les stations souterraines forment un cas à part : elles cumulent souvent plusieurs contraintes non satisfaites (pas de hard step-free, pavés tactiles peu uniformes, complexité, etc.). 

 

c) Limitations et enjeux à venir 

  • L’héritage de systèmes conçus sans pensée inclusive donne une base difficile à changer, surtout pour les stations souterraines. 

  • L’amélioration dépend d’opportunités (rénovation de rue, travaux de voirie), de volumes budgétaires et de la coordination entre acteurs. 

  • Même dans les arrêts conformes, des facteurs humains (rapprochement du véhicule au quai, obstacles autour de l’arrêt, scooters garés, terrasses envahissantes) peuvent remettre en cause l’usage effectif pour les personnes à mobilité réduite. 

  • Les stations souterraines demandent des travaux lourds pour installer des ascenseurs ou réaménager les cheminements intérieurs. 

4. Perspectives & recommandations

  • Passage de l’échelle arrêt → itinéraires complets : combiner accessibilité des arrêts + accessibilité des véhicules pour définir des parcours réellement praticables.

  • Hiérarchisation des arrêts prioritaires : les arrêts à forte fréquentation ou situés sur les lignes stratégiques méritent des interventions rapides.

  • Coordination institutionnelle renforcée : un cadre unique pour intégration des normes d’accessibilité dans tous les projets de voirie et d’aménagement urbain.

  • Suivi participatif & audits terrain : recourir aux associations, usagers, relevés réguliers pour vérifier la conformité effective.

  • Augmenter les ressources humaines & financières : le déploiement intégral des normes coûteux, mais nécessaire à une mobilité équitable.

Sources

  • Dobruszkes, F., Grandjean, M., Nihoul, A., Descamps, J. Public transport for all? Assessing the STIB-MIVB stops in Brussels. Brussels Studies, 2024. URL : https://journals.openedition.org/brussels/7648 

  • STIB-MIVB — Directives pour l’accessibilité des arrêts (signalisation AccessiBus, hauteur des quais, etc.) 

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