Aller au contenu

Interview du Ministre Willem DRAPS par Autonomia

Accessibilité, mobilité et formation... des actions fortes pour Bruxelles.

AUTONOMIA : Nous, personnes handicapées, on ne dit plus qu’il faut changer les mentalités mais qu’il faut changer notre environnement. Nous avons la conviction que c’est l’environnement qui crée le handicap. En tant qu’homme politique, pourriez-vous nous dire comment vous percevez ce constat étant donné votre double compétence: l’urbanisme et la politique des personnes handicapées à Bruxelles.

WILLEM DRAPS : Ce constat, je le fais chaque jour. Mes compétences mixtes, qui, au départ, peuvent paraître incompatible, représentent une opportunité d’action. L’accessibilité aux bâtiments publics pour les personnes à mobilité réduite méritait certainement une réflexion en profondeur. Cette mobilité réduite n’est pas limitée aux personnes en chaise roulante : une mère qui pousse un landau, un livreur, une personne âgée éprouvant des difficultés de déplacement, un jeune qui porte temporairement un plâtre… Une action en faveur de cette accessibilité constitue une plus-value pour tous, même si principalement elle est destinée à ceux qui, en continu, dépendent de cette accessibilité pour vivre leur autonomie, leur émancipation sociale, professionnelle, culturelle.


AUTONOMIA : La mobilité devient un enjeu principal pour tous les citoyens. Plus particulièrement pour les personnes handicapées. Les taxis qui sont dans votre compétence sont un jalon important pour favoriser un transport de porte-à-porte. Le prix reste élevé. Y a-t-il des pistes pour rendre ce moyen de transport plus accessible en terme financier ? (chèques taxi, intervention directe, remboursement,…)

WILLEM DRAPS : Dans chaque action politique, la mobilité en général, doit constituer un axe prioritaire pour ne pas faire de nos mondes une prison. La proximité est facteur d’équilibre, de qualité de vie. Toute personne privée de mobilité se prive de contacts, d’échanges. La réponse des transports en commun à la problématique du PMR est encore incomplète. La compétence que j’ai pu exercer sur les taxis m’a permis d’apporter une réponse significative et rapide à cette problématique, sans pouvoir, faute de moyens financiers, lancer un projet de subsidiation avant la fin de cette législature. Avant mon arrivée, sur les 1500 véhicules que comptaient la flotte de taxis bruxellois, aucun n’était adapté. D’ici à mai 2004, on sera passé de 0 à 81 véhicules adaptés. Une alternative autrement plus flexible que les minibus de la STIB, qui gardent leur utilité, et autrement moins onéreuse que l’offre privée existant auparavant, qui profitait de cette inadaptation de notre flotte de taxis bruxellois pour pratiquer des tarifs supérieurs à ceux demandés à un autre type de clientèle.


AUTONOMIA : Bruxelles a fait de nombreux efforts en matière d’accessibilité notamment pour la délivrance des permis d’urbanisme. Quel est votre constat aujourd’hui et quelles sont vos propositions pour l’avenir?

WILLEM DRAPS : La réponse est double : primo, le Règlement Régional d’Urbanisme adopté sous cette législature impose dorénavant des normes d’accessibilité pour tout nouveau bâtiment public. Secundo, notre collaboration avec Acces-A permet de faire profiter l’administration de toute l’expérience d’Acces-A en matière de délivrance de permis.
Au-delà de ces outils, il faut à présent travailler à l’approche humaine de la problématique. Dépasser le stade de la réglementation pour sensibiliser : architectes, promoteurs, privés, fonctionnaires de l’urbanisme. L’idéal serait d’arriver à une prise en compte par chacun des critères d’accessibilité pour que chacun l’applique à son propre projet. S’il est difficile d’imposer à un privé ces mêmes
normes, il est pourtant important de le sensibiliser également. La plupart du temps, un privé qui construit son logement aujourd’hui ne se rend pas toujours compte au moment de faire ses choix d’aménagement qu’il n’est pas à l’abri d’une situation potentielle de mobilité réduite temporaire ou définitive. Son logement de rêve devient alors une prison. Parvenir à sensibiliser l’ensemble des citoyens, c’est également assurer un parc locatif de mieux en mieux adapté à la personne handicapée : autre source d’émancipation personnelle essentielle ! Ce travail de sensibilisation peut se faire en direct, comme sur le stand de Batibouw cette année, ou par le biais des architectes. Le programme AA-Outils que j’ai soutenu leur est destiné.


AUTONOMIA : L’agence Acces-A est un outil privilégié pour la région Bruxelloise pour rendre Bruxelles plus accessible. Etes-vous satisfait des résultats? Quelles leçons tirez-vous après 3 ans d’existence? Comment peut-on promouvoir l’accessibilité à Bruxelles?

WILLEM DRAPS : Notre administration se félicite de l’intervention d’Acces-A dans la délivrance des permis d’urbanisme pour environ 50 à 75 projets importants par an. Leur expertise au profit des fonctionnaires de l’administration régionale bruxelloise de l’urbanisme reste essentielle tant que le savoir-faire d’Acces-A n’aura pas été transmis durablement, intégré. Ce même savoir-faire doit être transmis aux fonctionnaire communaux. Personnellement, que Cléon Angelo d’Acces-A m’autorise cette réflexion, je ne serais véritablement satisfait que le jour où l’intervention d’une asbl comme Acces-A deviendrait enfin inutile. Monsieur Angelo aurait fait des émules au sein des administrations de l’urbanisme qui dépasseraient le maître, je ne m’en plaindrais pas !


AUTONOMIA : Les solutions techniques (document de références, spécialistes,…) et les textes réglementaires existent et ont fait leurs preuves à Bruxelles. La sensibilisation des décideurs doit s’accélérer. Dans cette optique, pouvez-vous nous parler dans ce cadre, de votre projet de formation?

WILLEM DRAPS : J’en touchais un mot tout à l’heure, avec ironie pour Cléon Angelo. Le but de cette formation destinée aux fonctionnaires communaux est d’arriver non seulement à une sensibilisation, via des modules prévoyant une rencontre avec des personnes souffrant de handicaps sensoriels ou moteurs ou un ‘parcours du combattant’ en chaise roulante, mais également à l’intégration accompagnée de la législation en vigueur. Le premier module est destiné à ressentir l’inadaptation de l’environnement au handicap, les deux suivants, à appréhender l’architecture (aménagement des bâtiments) et l’urbanisme (aménagements en voirie notamment) sur base de cette expérience du handicap. Les 19 communes y participeront à terme (10 dans un premier temps). Pour moi, les meilleurs résultats seront obtenus au travers d’une sensibilisation profonde, pour que l’intégration du concept d’accessibilité pour tous dans la conception de l’environnement prenne une dimension intuitive. Là, nous aurons réussi et Mr Angelo pourra enfin changer d’horizon, lui qui, à force de faire bouger le monde politique, a non seulement acquis une expérience redoutable mais également accumulé d’innombrables tours de roue. Pour qu’il puisse enfin accomplir, pour lui-même, le tour du monde !



Interview de Monsieur Willem Draps : Secrétaire d’Etat en charge de l’Aménagement du territoire, des Taxis et de la politique des personnes handicapées
Par Cléon Angelo : Administrateur délégué de Autonomia asbl