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Le budget pour assistance personnelle en Flandre.

Discours prononcé par Jos Huys lors du colloque "10 ans et après: Handicap, participation et inclusion: de la vision à la mise en oeuvre", organisé par l' AWIPH à Charleroi, le 2 décembre 2005.

Bonjour, mes amis. Vous me permettrez tout d’abord de me présenter. Je m’appelle Jos Huys, suis juriste de formation et travaille comme inspecteur social au Fonds des Accidents du Travail depuis 1978. J’habite à Louvain dans un appartement adapté. Mes loisirs préférés sont la piscine, la promenade en nature et les voyages.

Je souffre depuis mon enfance d’une dystrophie musculaire qui me rend progressivement tout à fait dépendant des aides techniques et de l’assistance d’autrui. Comme vous, j’essaie de mener une vie intégrée dans notre société tout en gardant ma propre personnalité. Comme pour vous, la recherche des moyens pour atteindre ce but est un défi permanent.

Qu’est-ce que j’ai appris au cours de mes 50 années de recherches? Tout d’abord qu’on n’apprend pas à mener une vie avec un handicap ni des médecins, ni des assistants sociaux, ni des éducateurs. J’ai appris surtout par mes propres expériences et celles d’autres personnes handicapées.

C’est comme ça que j’ai appris que les solutions et perspectives offertes par ceux qu’on paie pour nous aider ne correspondent pas à mes propres besoins et aspirations. Je n’ai pas besoin d’une allocation pour handicapé mais bien d’un assistant sur le lieu de travail qui m’apporte les codes de lois que je dois consulter. Je n’ai pas besoin d’une infirmière qui me met au bain le matin, mais d’un homme fort qui sait me retirer de la piscine le soir. Je ne veux pas de logement social à la campagne, mais un appartement en ville, adapté à mes besoins, etc…

Savoir ce qu’on veut soi-même. Voilà le critère essentiel pour mener une vie qu’on a choisie personnellement plutôt que de mener la vie stéréotype que notre société attend d’un handicapé. Connaître nos propres besoins, c’est le début de notre émancipation. Mais en plus, il nous faut trouver nos propres solutions. Et finalement, il nous faut les moyens de les mettre en œuvre.

C’est à ça que nous, personnes handicapées en Flandre, avons travaillé depuis 1988 et ce travail se poursuit de jour en jour. Les moyens pour réaliser notre intégration dans la société, ils existent. Le tout est de les contrôler nous-mêmes. Sinon, les médecins, les infirmières, les institutions, les bureaucrates décident pour nous ce dont nous avons besoin. Dès lors, par des écrits, des conférences, des articles de presse, des manifestations, des pressions politiques, des procédures judiciaires, pendant une période de 12 ans, nous avons demandé, plaidé, exigé le budget pour assistance personnelle (BAP).

A quoi cette lutte a-t-elle mené ? Tout d’abord à une plus grande confiance en nous-mêmes. Nous avons enfin réussi à ce que les personnes non handicapées écoutent le récit de nos expériences et les solutions que nous avons nous-mêmes élaborées.

Et ensuite, à plus d’alternatives pour ceux qui nonobstant leur handicap cherchent leur place dans notre société. C’est ça l’effet d’un BAP. La personne qui dispose d’un BAP choisit ses propres assistants personnels et les met au travail où et quand elle en a besoin. Dès lors, la personne handicapée ne doit plus aller habiter dans un logement social où une aide pour les activités de la vie journalière est prévue, elle n’est plus obligée de prendre son bain à l’heure où l’infirmière passe et n’est plus condamnée à l’inactivité professionnelle faute d’assistance personnelle sur le lieu de travail.

En 2005 le Fonds flamand pour l’intégration sociale des personnes handicapées octroie un BAP à presque 1000 personnes handicapées. Le montant annuel d’ un BAP varie entre 7.000 et 35.000 Euros. Au moins 95% de ce montant doit obligatoirement être affecté à des frais de personnel, y compris les charges sociales patronales et fiscales. L’assistance peut être engagée aussi bien chez soi à la maison, que lors de déplacements, à l’école et sur le lieu de travail. Le détenteur du BAP choisit librement ses assistants (membres de famille ou autres).

Le BAP n’est en aucun cas un revenu que la personne handicapée encaisse, mais uniquement une avance de fonds pour les frais d’assistance personnelle qu’elle débourse et dont elle doit justifier l’usage au Fonds flamand, faute de quoi l’argent doit être remboursé au Fonds.

Est-ce que la Flandre est devenu maintenant le paradis sur terre pour les personnes handicapées? Bien sûr que non! Le BAP n’est qu’un moyen, mais un moyen important, pour faciliter le processus d’émancipation des personnes handicapées. Encore faut-il apprendre à le gérer de façon efficace, à bien définir ses propres besoins d’assistance personnelle, à bien choisir ses assistants personnels et à créer de bonnes relations de travail avec eux, à bien remplir les formalités administratives exigées par notre législation sociale et, en plus, par le Fonds flamand à qui l’on doit justifier l’usage de son BAP. Et finalement il nous faut à tout prix peser sur les décisions encore à prendre pour élargir le BAP aux 2000 personnes handicapées sur la liste d’attente..

Pour réaliser ces objectifs, les titulaires de BAP se réunissent dans ce que nous appelons « les associations de titulaires du budget », dont il en existe déjà 4 en Flandre. Au moins deux tiers des membres ainsi que deux tiers des administrateurs d’une association de titulaires du budget sont eux-mêmes des personnes handicapées titulaires d’un BAP.

A vous aussi incombe le devoir d’agir dans la partie francophone de notre pays pour créer de nouvelles perspectives pour les personnes handicapées. J’espère vous avoir donné de l’inspiration.

Jos HUYS