Aller au contenu

Obstacles des personnes en situation de handicap intellectuel à l'accès aux soins de santé

Question orale De Véronique Jamoulle à Elke Van den Brandt et Alain Maron, membres du Collège réuni en charge de l'action sociale et de la santé (question n°478)

Question de Mme Véronique Jamoulle (PS):
Dans un rapport qui date de fin décembre, le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE) pointe les difficultés et obstacles que rencontrent les personnes qui ont une déficience mentale à accéder aux soins courants. Par soins courants, il faut entendre les soins qui ne sont pas destinés au diagnostic et au traitement de problèmes à l’origine ou découlant du handicap intellectuel de ces personnes.

En Belgique, comme ailleurs dans le monde, les personnes en situation de handicap intellectuel meurent plus précocement que les autres. Selon une récente étude britannique, seules 38 % d’entre elles dépassent l’âge de 65 ans, contre 85 % dans la population générale. Ceci ne s’explique pas seulement par une maladie ou un handicap sous-jacent, mais aussi par une inégalité d’accès aux soins, une mauvaise prise en charge.

Un rapport des Nations unies de 2018 estime également que les personnes handicapées sont trois fois plus susceptibles que la population générale de se voir refuser des soins de santé, et qu’elles courent quatre fois plus de risques d’être traitées de façon inadéquate. De plus, les personnes en situation de handicap sont confrontées à la stigmatisation et à la discrimination lorsqu’elles accèdent à des services ou à des programmes de santé. Par conséquent, elles peuvent en arriver à vouloir éviter les soins médicaux, voire à refuser de sortir de leur domicile ou d'aller aux urgences. Le fait que personne ne les accompagne peut aussi créer des problèmes de compréhension.

Enfin, l’accès difficile aux soins de santé a aussi été souligné par Inclusion, une association belge qui défend la qualité de vie et la participation des personnes en situation de handicap intellectuel dans la société. En cause, la peur de la consultation, le sentiment de ne pas être écouté, la complexité des informations transmises, l’impression d’être infantilisé, des examens trop rapides, un manque d’accessibilité des lieux. Les soins de santé ne sont donc pas adaptés aux personnes avec un handicap intellectuel. Les améliorer pour elles permettrait d’ailleurs de les améliorer pour tous, selon le rapport du KCE.

L’étude du KCE énumère d'ailleurs plusieurs objectifs et recommandations pour améliorer la situation. Il s'agit notamment de la mise en avant des concepts d’« aménagements raisonnables » et de « conception universelle » qui visent à modifier l’espace public et les règles pour les adapter aux besoins de tous, avec ou sans handicap intellectuel ou moteur, avec ou sans landau, avec ou sans chaise roulante ou tribune. Il s'agit en somme de développer des solutions qui bénéficieraient à l’ensemble de la société.

Le KCE conseille également des pistes très factuelles, telles que la création d'un répertoire centralisé des professionnels et des services de santé qualifiés. Il recommande en outre de veiller à l’accessibilité géographique des soins en prodiguant certains soins sur le lieu de résidence ou en offrant une assistance lors de transports urgents et non urgents. Il préconise, par ailleurs, d'améliorer la formation des professionnels de la santé en matière d’interaction avec les personnes en situation de handicap intellectuel, en leur donnant davantage de temps. Enfin, le KCE conseille, par exemple, d'autoriser les personnes en situation de handicap intellectuel à être accompagnées quand elles le souhaitent par une personne en qui elles ont confiance.

Dans le plan social-santé intégré (PSSI), il est question de renforcer l’accessibilité des personnes en situation de handicap aux services du social et de la santé. Cependant, les mesures prônées dans ce chapitre demeurent peu spécifiques.

Aussi, quelles sont les mesures concrètes entreprises par le gouvernement pour améliorer l’accessibilité aux soins courants pour les personnes en situation de handicap intellectuel ?

Certaines d’entre elles rejoignent-elles les recommandations du KCE ? Avez-vous d'autres projets en la matière ?

Réponse de M. Alain Maron, membre du Collège réuni:

Le manque d'accès aux soins de santé pour les personnes en situation de handicap intellectuel à Bruxelles est une réalité qu'il faut effectivement déplorer. Cette problématique est également mise en évidence dans les premiers résultats de l'étude concernant le cadastre de l'offre et des besoins pour les personnes en situation de handicap à Bruxelles, commandée au Brussels Studies Institute par la Cocof et Iriscare, qui est en cours de finalisation.

Les tendances qui en ressortent à ce stade indiquent une nécessité :

- de former et sensibiliser le personnel de santé aux différents types de handicap ;

- de veiller à une meilleure prise en charge des personnes avec un double diagnostic ;

- de garantir une meilleure coordination des soins par le biais d'un dossier unique ;

- d'assurer l'accès à des soins adaptés pour les personnes en situation de handicap résidant dans une maison de repos.

Les besoins mis en évidence par l'étude permettront de définir des solutions prioritaires pour renforcer l'accès aux soins. La création d'un guichet unique de services aux personnes en situation de handicap en Région de Bruxelles-Capitale est examinée. Il permettrait de répondre aux besoins de clarté et de cohérence dans l’offre d’information, d’infrastructures et de services en matière d’aide aux personnes en situation de handicap qui ont été mis en exergue. 

Le PSSI souligne une série de points d'attention et formule des recommandations relatives à l'accès aux droits, à l'aide et aux soins pour les personnes en situation de handicap. Globalement, il en ressort qu’une attention particulière doit leur être apportée en éliminant autant que possible les obstacles à l’accès aux services sociosanitaires.

Si, comme vous le soulignez, les mesures avancées dans le PSSI en matière de handicap sont assez globales, c’est parce que ce plan est avant tout un cadre de base, voué à perdurer de manière dynamique. Il doit en découler une série d'actions concrètes, à développer en étroite collaboration avec les secteurs concernés. Afin d’avancer dans ce sens, mon cabinet a planifié pour le 31 janvier une réunion de travail avec le Collectif accessibilité Wallonie-Bruxelles, qui regroupe 21 associations et a pour but de défendre et promouvoir l’accessibilité. Nous aborderons spécifiquement l’accessibilité des hôpitaux afin d’élaborer ensemble des pistes d’action concrètes.

Réponse de Mme Véronique Jamoulle (PS):

Ce dossier est important et il ne concerne pas seulement les personnes handicapées. En France, s'adressant à un service d'urgences, une dame qui, ne parlant pas français, n'a pas pu expliquer ce qu'il lui arrivait et est morte, faute de soins. La communication, la compréhension et l'accompagnement sont essentiels, comme le montre l'étude.

Je me réjouis de la réalisation d'un cadastre de l'offre et des besoins. J'espère que nous pourrons en prendre connaissance lorsqu'il aura été finalisé. C'est un outil important pour les acteurs de terrain.

Je salue la tenue d'une réunion le 31 janvier. Nous vous interrogerons sur les suites que vous lui réserverez.

- L'incident est clos.